Grandes affiches à tout les carrefours, camions cracheurs de slogans musicaux, pétards et feux d'artifices, candidats serrant des mains aux night markets, toute la municipalité c'est mise aux couleurs des élections à venir.
Dans la masse de panneaux et de prospectus, une tête revient plus souvent que les autres. C'est celle de Chen Chu, la maire en place. Elle candidate pour son deuxième mandat, bien qu'elle en ai déjà réalisé un entre 2006 et 2010 avant le redécoupage territorial qui a remis la limite de deux mandats à zéro. Elle jouit d'une grande popularité, explicable par différents facteurs.
Chen Chu la baronne
Ayant fait ses études à la National Sun Yat-Sen University, Chen Chu est une enfant du pays. Opposante historique au Kuo Min Tang (KMT), elle a passé six ans enfermée dans la prison de Green Island pour avoir pris part au mouvement pro-democratie connus sous le nom de Kaohsiung Incident qui a jeté les bases du Parti Démocrate Progressiste (DPP) en 1979, quand la loi martiale était encore imposé par le KMT. Aujourd'hui la pluralité politique est de mise à Taïwan et le DPP est très populaire dans le sud de l’île qui a toujours été délaissé par les politiques budgétaires du gouvernement central tenu par le KMT.
Chen Chu est réputé pour n'être et n'avoir jamais été sujette à la corruption, phénomène pourtant prévalent en Asie de l'Est. Sans famille proche, on lui prête de grandes capacités de travail, un trait apprécié de ses électeurs. Bien que critiqué par le KMT, ses actions ont toujours été bien reçues par les citoyens. Elle a impulsé un programme d'élargissement des rues de la ville et d'aménagement des berges de la Love River qui a rendu la ville plus attractive. La bonne tenue des Jeux mondiaux de 2009 à Kaohsiung, sous son mandat, a également renforcé sa légitimité.
Le 31 juillet 2014, plusieurs rues de la ville sont éventrées par des explosions dues à des fuites de gaz. Attaquées par le KMT, sa gestion de la crise a été globalement saluée. Encore aujourd'hui on peut voir dans la ville des affiches sur lesquelles la maire exporte les habitants à rester solidaire et lance un appel aux dons qui a été entendu.
Malgré ses éléments, il semble toujours étonnant que les sondages lui prêtent 80% des intentions de vote. Cela peux s'expliquer par la faiblesse politique des candidats placés face à elle, mais aussi par une gestion efficace de la campagne et surtout de son image publique.
Chen Chu la mascotte
Contrairement à la France où les campagnes électorales sont soumises à de strictes limitations en terme de financement et de méthodes de communication, Taïwan ne semble imposer aucune limite en la matière. À part un budget plafonné à 100 millions de dollars Taïwanais (2,5 millions d'euro) qui serait dépassé allégrement, tout est permis pour faire valoir sa liste et son programme. Les bureaux électoraux rivalisent alors de moyens pour occuper le plus possible l'espace visuel et médiatique. La quasi-totalité des grands carrefours sont recouverts de panneaux géants aux couleurs des candidats et des camionnettes quadrillent la ville de toute la journée en crachant des slogans. On assiste même dans les night markets à des harangue lancé par un candidat juché sur son minibus lui servant de scène improvisée.
Mais ce qui donne à Chen Chu une longueurs d'avance, c'est l'image publique qu'elle a pu construire grâce à son poste de maire qu'elle occupe depuis maintenant huit ans. Elle s'implique personnellement dans les affaires de la ville, quand elle se rend aux funérailles des victimes des explosions de juillet par exemple. Son image est connu des habitants, notamment par le fait qu'elle est présente sur une certain nombre des affiches municipales sous la forme d'un personnage sympathique. Ce personnage est également présent sur les vélos de location municipaux, ce qui lui donne une grande visibilité. Il se trouve donc que la maire est connu pour ses actions, mais aussi par l'image qu'elle se donne grâce aux moyens de communication offerts par sa position.
Une victoire facile dans un contexte politique tendu
La « maire fleur » (Chu (Jú, 菊), son prénom, signifie chrysanthème) jouit d'une popularité sans pareil et le résultat des élection de samedi ne devraient pas être surprenants. L'enjeu est d'obtenir une majorité à l'assemblé municipale, actuellement tenue par le KMT, ce qui n'a pas facilité la bonne tenue de la politique de la mairie. Cela s'explique par une grande réticence qu'a le KMT a cohabiter avec d'autres partis politique. La loi martiale n'a été levée qu'en 1987 à Taïwan et un bon nombre des cadres du KMT, qui était alors le seul parti autorisé, considèrent les membres du DPP comme des fauteurs de trouble.
Le débat est néanmoins peu violent au niveau local, Chen Chu étant considéré trop forte politiquement pour qu'on lui oppose des candidats crédibles. Seul un membre du KMT et un candidat indépendant lui feront face. Au final, les plus actifs restent les candidats aux postes de chef de quartier que l'on verra jusqu'à demain soir serrer des mains et haranguer les passants. L'abstention est faible dans la jeune démocratie qu'est Taïwan. Bien que l'on puisse toujours y sentir les effets de 38 ans de loi martiale et de monopartisme, la politique locale mobilise les citoyens au point de devoir rendre le samedi férié pour l'occasion. Si le nord du pays prospère sous le KMT, il semble que le sud ai bien besoin d'une force d'opposition pour faire valoir son potentiel.